Aujourd’hui, Martine Gauffeny, secrétaire national de l’association « Otages du monde » (http://www.otages-du-monde.com), nous délivre son point de vue sur le sujet.
Pouvez-vous présenter l’association ?
C’est une association fondée en Aout 2004 par d’anciens otages, dont Jean-Louis Normandin (ndlr : otage au Liban à la fin des années 1980 durant plus d’un an et demi) qui est notre président, et puis par des membres de la société civile (psychologues, avocats,…).
Le constat c’était qu’il y avait aucune association en France qui pouvait répondre spécifiquement aux demandes des familles d’otage non journaliste (qui sont pris en charge par Reporters Sans Frontières). C’est la raison pour laquelle on a créé otages du monde.
Huit ans plus tard on s’aperçoit qu’on est de plus en plus sollicité par les familles et les ex-otages eux-mêmes : l’utilité de l’association est malheureusement confirmée.
Quelle fonction remplit-elle auprès des familles ?
Il y a trois axes dans notre action lorsque les familles le demandent :
-Il y a un soutien à la médiatisation et à la mobilisation, comme on l’a fait pour Hervé et Stéphane. On met en œuvre tous les moyens habituels c’est-à-dire les contacts avec les élus, avec les médias pour faire parler d’eux.
- Un soutien psychologique aux ex-otages, aux familles qui sont orientés vers des psychologues ou des psychiatres spécialisés dans le traumatisme et le stress liés à la prise d’otage.
- Un soutien juridique : il y a des droits qui ont été votés pour indemniser les otages comme le fond de garantie d’indemnisation des victimes du terrorisme : on les aide à monter leur dossie r, etc.
Puis plus généralement on est là aussi pour informer sur la prise d’otage. Sur notre site internet beaucoup de données précises sont collectées par exemple.
Vous nous dites qu’il faut parler des otages : pourquoi ? Certains affirment que plus la médiatisation est forte plus les négociations s’avèrent compliquées…
Cela fait longtemps que les ex-otages et que l’association le dit : la médiatisation est une action nécessaire. Pourquoi ? Car on a des exemples très précis de personnes oubliées et ils se sont retrouvés très seuls dans les négociations et très seuls à leur arrivée, ils ont l’impression que ce qu’ils ont vécu n’est pas reconnu.
Egalement il y a une fonction importante de la médiatisation : quand la prise d’otage est longue (comme ce fut le cas pour Hervé et Stéphane mais aussi pour Ingrid Betancourt ou encore ceux du Niger actuellement) la médiatisation permet aux familles d’être dans l’action. De ne pas rester chez soir dans l’attente car l’attente c’est quelque chose d’insupportable et de très difficile à vivre. Cela les rassure aussi sur le fait que les Français n’oublient pas les personnes qu’ils attendent avec impatience.
Et puis il y aussi un autre aspect : souvent les otages eux-mêmes ont écho de la mobilisation (Hervé et Stéphane recevait Radio France Internationale) et là ils disent tous que cela leur a permis de vivre plusieurs semaines.
Pour toutes ces raisons nous n’avons aucun état d’âme là-dessus : nous pensons qu’il faut médiatiser les otages (ndlr : la devise de l’association est d’ailleurs « oublions-les ils mourront…parlons d’eux ils vivront »)
Comment faut-il gérer le retour des otages à « la vie normale » ?
Ce n’est pas facile, certains ont été maltraités je pense à Pierre Camatte otages l’année dernière au Mali qui a raconté les conditions douloureuses et violentes dans lesquelles il vécut trois mois. Le retour à la vie normale est dans ce cas-là très long.
Les psychologues les mettent tous en gardent d’ailleurs en leur disant « peut-être que sur le coup vous allez être dans un état euphorique (reto ur très vite au travail,…) mais le contrecoup peut intervenir dix à vingt ans plus tard pour vous et vos familles »
Souvent les retours dans les familles sont douloureux. Les proches attendent le retour de l’homme qu’ils ont quitté avant la prise d’otage mais l’otage change par rapport à sa situation d’avant.
Enfin faut-il continuer à aller dans les pays dits « à risque » ?
Oui, il faut continuer à aller sur place.
Pour les journalistes c’est leur métier et leur devoir, quand Hemingway allait sur en reportage de guerre on ne disait pas qu’il était inconscient. On a besoin de même d’humanitaires dans ces pays (Darfour, Niger, Mali, Mauritanie). Seulement il faut à mon avis plus se préparer avant de partir : il y des formations que l’on a commencé à mettre en place qui sont indispensables et qu’il faut développer.
Légende photo : 1- Martine Gauffeny à la libération d'Ingrid Betancourt
2- Les affiches de soutien aux deux journalistes recouvertes du mot "libres" la semaine dernière
3- Jean Louis Normandin, ex-otage et président de l'association "Otages du monde"
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