L'instant culturel de la semaine : Guy DELISLE, Pyongyang, l’Association, 2003
Alors que le dictateur Kim Jong-il mourrait le 17 décembre 2011, le monde a découvert la dimension du culte de la personnalité dont bénéficiait le chef suprême de République populaire et démocratique de Corée. Des scènes impressionnantes d’une population hystérique face au cortège funéraire du camarade Kim, que les journalistes français ont eu une peine compréhensible à justifier. C’est pourquoi aujourd’hui, De Jour En Jour a décidé de vous présenter le roman graphique de l’illustrateur Guy Delisle.
Québécois de naissance, Guy Delisle travaille pour une société d’animation française en tant que superviseur d’animation en Asie (où les dessins sont aujourd’hui délocalisés). Il est envoyé en Corée du Nord en 2003 pour quelque mois au sein du studio de dessins animés SEK (producteur de Papyrus, sur lequel Delisle est affecté).
Loin des clichés à la façon du Lotus bleu ou de Tintin au pays des Soviets, Delisle nous offre une vision réaliste de ce pays si fermé et objet de fantasmes.
Les anecdotes décrites par l’auteur sont brèves et imposent un rythme à la BD qui nous invitent à la lire d’une traite. Pourtant rien n’y manque : rappels historiques, vie quotidienne, impressions personnelles. Le décalage et l’absurde de ce régime, longuement décrit par Guy Delisle, apportent la touche finale d’humour qu’il fallait pour ne pas refermer ce livre totalement consterné.
Et pour cause, la justesse du dessin (en noir et blanc) et les digressions factuelles (la réunification coréenne, la famine subie par la population, la propagande) permettent d’en apprendre beaucoup sur la Corée du Nord.
Cependant, Pyongyang n’a pas valeur de documentaire. L’auteur ne s’en cache pas, il présente son avis personnel. Le lecteur est prévenu.
Guy Delisle a également publié 3 autres romans graphiques : Shenzhen (2000), Chroniques birmanes (2007) et Chroniques de Jérusalem (2011). Ce dernier ouvrage a d’ailleurs été récemment récompensé du prix du meilleur album au festival d’Angoulême de janvier 2012. Construit sur le même modèle que Pyongyang, ces reportages BD sont tout aussi passionnant et offrent une vision originale de l’évolution de la Chine, de la dictature birmane et de la politique israélienne en Palestine.
P. C.